Chronique – Armageddon aérien : le ciel d’Haïti se referme
- Joel Agoudou
- 23 nov.
- 2 min de lecture
La nouvelle est tombée comme un verdict. Sunrise Airways a décidé de clouer ses avions au sol et de suspendre toutes ses opérations à Port-au-Prince. Cette mesure radicale traduit, mieux que n’importe quelle déclaration officielle, l’état d’effondrement sécuritaire que traverse Haïti.

Dimanche 23 novembre 2025, un appareil qui s’apprêtait à quitter la capitale pour Les Cayes a essuyé des tirs avant même l’embarquement. Quelques secondes de chaos ont suffi pour que la compagnie arrête tout. Lorsque le simple fait de préparer un vol devient une mise en danger, aucune entreprise responsable ne peut continuer à opérer normalement. Sunrise rappelle que la sécurité de son personnel et de ses passagers demeure sa priorité absolue, et qu’elle ne reprendra ses activités que lorsque les conditions minimales seront réunies.
Cette suspension n’est pas un simple incident technique. Elle révèle une réalité plus grave : Haïti entre dans une zone d’ombre où même le transport aérien, longtemps perçu comme un refuge, n’échappe plus aux violences. Les liaisons intérieures déjà fragiles se retrouvent paralysées. Les régions du Sud, du Nord et de la Grande-Anse perdent l’un des rares ponts rapides qui les reliaient à la capitale. Les activités économiques et humanitaires, les déplacements urgents, les missions essentielles : tout se complique, tout devient plus lent, plus risqué, plus incertain.
L’impact psychologique est tout aussi lourd. Sunrise n’est pas seulement une compagnie aérienne. Pour beaucoup, elle représentait un souffle de modernité, une preuve que quelque chose fonctionnait encore dans ce pays tourmenté. Sa suspension résonne comme un aveu d’impuissance face à une capitale livrée aux balles, à l’imprévisible, à l’arbitraire.
Cette décision interroge directement l’État. Qui contrôle encore le territoire ? Qui protège les infrastructures vitales ? Que reste-t-il de la capacité du pays à garantir la libre circulation des personnes et des biens ? Quand un avion immobile peut être pris pour cible, c’est le symbole même de l’ordre public qui vacille.
Pour éviter de sombrer davantage, des actions urgentes s’imposent. La sécurisation stricte des zones aéroportuaires et de leurs accès doit devenir une priorité absolue. Une coordination permanente entre l’État, les forces de sécurité et les compagnies aériennes est indispensable pour prévenir tout nouvel incident. L’appui technique de partenaires internationaux peut également être nécessaire pour restaurer un minimum de stabilité autour des infrastructures critiques. Enfin, les autorités doivent communiquer clairement, sans faux-semblants, afin de rassurer une population qui vit déjà sous tension permanente.
La suspension de Sunrise Airways n’est pas un simple fait divers. C’est un signal rouge, un avertissement brutal. Haïti se rapproche dangereusement d’un Armageddon sécuritaire et politique, où les piliers essentiels de la vie nationale se fissurent les uns après les autres. Quand le ciel se ferme, quand les routes se dérobent et que l’État recule, un pays se retrouve au bord du gouffre.
Il est encore temps d’agir, mais le temps n’est plus à l’hésitation. Chaque jour qui passe rapproche le pays d’un point de non-retour.
Le Reflet








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