ÉDITORIAL – Refuser toute négociation avec les gangs : un impératif national
- Joel Agoudou
- il y a 39 minutes
- 3 min de lecture
Par Thériel Thélus – Le Reflet
Depuis plusieurs années, Haïti s’enlise dans une spirale de violence nourrie par des groupes armés qui ont pris le contrôle de larges portions du territoire, notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Ces criminels organisés, assimilables à des groupes terroristes, dictent leur loi, sèment la terreur, tuent, enlèvent, rançonnent, et plongent la population dans un climat de peur permanent.

Ce qui, autrefois, relevait d’un problème localisé est devenu une crise nationale, paralysant la vie quotidienne, les institutions publiques et l’économie déjà chancelante. Pour l’Haïtien ordinaire, chaque jour devient un pari : aller à l’école, se rendre à l’église, au marché ou au travail, c’est risquer sa vie ou son intégrité. Des familles entières sont déplacées, des quartiers entiers sont devenus inaccessibles, des écoles et des hôpitaux ont fermé leurs portes. La liberté de circulation est devenue un luxe.
Dans ce contexte, des voix s’élèvent pour proposer la négociation avec ces groupes armés, dans l’espoir d’obtenir une stabilité temporaire. Cette approche constitue une grave erreur stratégique et morale. Négocier avec les gangs, c’est légitimer leurs crimes, c’est faire entrer la violence dans les institutions, c’est consacrer l’impunité comme règle d’État.
Prenons l’exemple de la coalition dénommée “Viv Ansanm”. Loin d’être un simple regroupement social ou communautaire, il s’agit, dans les faits, d’une organisation terroriste. Elle est animée par une idéologie de violence, et ses membres recourent à l’enlèvement, aux assassinats, à la terreur organisée pour affaiblir les structures de l’État et soumettre la population. La qualifier autrement, c’est faire preuve d’aveuglement ou de complicité.
Accepter le dialogue avec de telles entités, c’est transmettre à la jeunesse haïtienne un message destructeur : que la violence est une voie vers le pouvoir, que le crime paie, que l’on peut prendre les armes contre la République et être ensuite reçu comme un acteur politique. Ce serait un désastre moral, institutionnel et historique.
La réponse de l’État haïtien doit être sans ambiguïté : on ne négocie pas avec des terroristes. On les combat. On les démantèle. On les traduit en justice.
Cela exige :
Le renforcement urgent et structuré de la Police nationale d’Haïti (PNH) et des Forces armées d’Haïti (FAD’H) ;
Un appui logistique, technique et opérationnel de la communauté internationale, ciblé et respectueux de la souveraineté nationale ;
Une réforme en profondeur de l’appareil judiciaire, pour juger sans délai les auteurs de violences et leurs complices ;
La neutralisation des circuits de financement et des complicités politiques et économiques qui alimentent ces groupes criminels.
Mais au-delà de la répression, une paix durable ne pourra se construire que sur la justice sociale. L’État doit regagner la confiance des citoyens en assurant l’accès effectif aux services de base : éducation, santé, logement, emploi. Il faut offrir une alternative concrète à la jeunesse tentée par la violence, par la désespérance ou par la migration forcée.
À cet effet, les ministères des Affaires sociales, de l’Éducation, de la Jeunesse, de la Santé, des Travaux publics, de l’Environnement et du Tourisme doivent être mobilisés dans une politique de reconstruction sociale, urbaine et citoyenne.
Refuser toute négociation avec les gangs est un impératif national. C’est une ligne rouge qui ne doit jamais être franchie.
Chaque fois qu’un dirigeant accepte de traiter avec les gangs, il abdique son devoir le plus sacré : protéger les citoyens et défendre l’ordre républicain. Il insulte la mémoire des victimes, et trahit la Constitution.
L’histoire jugera sévèrement ceux qui auront tenté de blanchir des criminels au nom d’une paix illusoire. Le peuple haïtien mérite la paix, mais une paix fondée sur la loi, la justice et la dignité. Pas sur la peur. Pas sur l’impunité.
Comments