Magalie HABITANT : Au cœur d’un réseau criminel, entre complicités politiques et financements obscurs
- Joel Agoudou
- 25 avr.
- 3 min de lecture
Un rapport explosif de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), rendu public le 27 mars 2025 et transmis au parquet de Port-au-Prince, éclabousse le monde politique haïtien. Rédigé par le Bureau des Affaires Criminelles (BAC), le document pointe du doigt Magalie HABITANT, ancienne directrice du SNGRS, comme un rouage central d’un vaste réseau criminel mêlant enlèvements, assassinats ciblés, trafic d’armes et détournements de fonds.

Une arrestation décisive
L’enquête prend un tournant majeur le 9 janvier 2025 avec l’arrestation de Magalie HABITANT à Thomassin. À bord d’un Toyota Land Cruiser, accompagnée de son chauffeur Lenès JEAN PHILIPPE, elle est interceptée par les forces de l’ordre. La fouille du véhicule révèle des téléphones, des passeports, des livrets bancaires (en gourdes et en dollars) ainsi que d’importantes sommes en espèces. Deux téléphones, en particulier, établissent des communications avec des figures notoires du banditisme : Jimmy CHÉRIZIER alias « Barbecue » et Kempès SANON.
Des liens directs avec des chefs de gang
L’analyse des échanges téléphoniques dévoile des conversations régulières avec d’autres chefs de gang tristement célèbres : Chen Mechan, Ti Zo, Izo, Ti Lapli. Ces discussions portent notamment sur le trafic de véhicules volés, exportés à l’étranger via des intermédiaires comme Celelou et Sonson. Magalie HABITANT y apparaît comme un pilier du financement de ce réseau criminel.
Complicité présumée dans des assassinats et kidnappings
Plus qu’un rôle financier, l’ancienne responsable publique serait impliquée dans plusieurs actes de violence. Le rapport évoque l’assassinat de quatre policiers à Bon Repos, le 29 février 2024, l’exécution barbare du policier Jeff PETIT DIEU à Solino, ainsi qu’une attaque meurtrière contre l’Église Union Baptiste de Nazon en novembre 2024. Elle est également citée dans l’affaire de l’enlèvement de deux ressortissants dominicains et d’un Haïtien en 2021, pour lesquels elle aurait déboursé un million de gourdes en échange de leur libération.
Des flux financiers suspects
Le document fait état de transactions financières troublantes : des chèques, dont un de 2 millions de gourdes, émis à son nom, ainsi que d’autres montants élevés (660 000 et 2 341 159 gourdes). Elle aurait aussi sollicité 350 000 gourdes pour un certain « Gran Frè », une somme présumée destinée à la coalition des gangs.
Des réponses confuses face aux enquêteurs
Devant les enquêteurs, Magalie HABITANT admet avoir été en contact avec des membres du banditisme mais rejette toute implication directe. Elle évoque des motivations politiques et sociales, visant, selon elle, à "apaiser les tensions". Toutefois, elle refuse de préciser les montants transférés ou l’identité des bénéficiaires.
Un rôle actif dans le trafic d’armes
Autre révélation de taille : son rôle présumé dans l’approvisionnement en armes et munitions. Un échange avec Kempès SANON fait mention d’une demande adressée à l’ex-député Prophane VICTOR pour l’achat de 20 caisses de cartouches, d’un montant total de 70 000 dollars américains.
Un réseau d’influence politique et criminelle
Au-delà de ses actions, Magalie HABITANT aurait agi en tant qu’intermédiaire entre les gangs et certains responsables politiques. Ses liens avec l’ex-député Prophane VICTOR soulèvent de sérieuses questions sur l’implication de figures institutionnelles dans la protection et le soutien aux groupes armés. Une situation qui expose une fois de plus les failles d’un système judiciaire en perte de crédibilité.
Un test pour la justice haïtienne
L’affaire Magalie HABITANT s’annonce comme un révélateur des connexions toxiques entre la politique, les institutions et le crime organisé. Alors que l’enquête suit son cours, elle interpelle sur l’urgence d’une réforme judiciaire en profondeur et sur la nécessité de briser l’impunité qui gangrène l’État haïtien.
LE REFLET
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