La musique haïtienne orpheline : Dadou Pasquet s’en est allé
- Joel Agoudou
- 23 nov.
- 2 min de lecture
Par Joël AGOUDOU
La musique haïtienne vient de perdre l’un de ses maîtres les plus lumineux. André « Dadou » Pasquet n’était pas seulement un guitariste exceptionnel : il faisait partie de ces rares artistes capables de créer une signature sonore unique, une identité musicale qui traverse les modes, les générations et les frontières. Sa disparition, ce dimanche 23 novembre 2025, plonge Haïti dans une profonde tristesse et laisse la musique haïtienne orpheline.

Pour mesurer l’ampleur de cette perte, il faut replonger dans l’histoire du compas. Au début des années 1970, alors que Tabou Combo imposait une rigueur musicale sans précédent, Dadou Pasquet y inscrit son nom avec un jeu de guitare nerveux, précis, doux et audacieux. Son passage au sein du groupe, de 1970 à 1976, demeure l’une des périodes les plus créatives et les plus respectées du compas moderne.

Mais c’est en 1976, avec la création du Magnum Band, qu’il consolide définitivement son statut d’innovateur. Dadou osait tout : les mélanges harmoniques, les arrangements inattendus, les sonorités nouvelles. Il a offert au compas une élégance singulière, une intelligence musicale qui ont marqué plusieurs générations. Magnum Band n’était pas qu’un ensemble : c’était une école, une vision, une révolution discrète mais déterminante.

Parmi les trésors qu’il nous laisse, un morceau demeure particulièrement emblématique : « Oupila ». Une chanson qui voyage, qui rassemble, qui apaise et qui fait danser. Un classique qui traverse les frontières et les époques. Pour moi, « Oupila » est plus qu’une œuvre incontournable : elle est l’une de mes chansons préférées, un refuge sonore, un symbole de l’âme haïtienne.

La disparition de Dadou Pasquet rappelle celle d’autres géants de notre patrimoine musical : Ti Manno, Coupé Cloué, Ansy Dérose, Webert Sicot, Négo Tremblay…
Des artistes dont le départ a laissé des vides impossibles à combler.
Dadou rejoint désormais cette constellation de maîtres dont l’influence dépasse le temps.

Depuis l’annonce de sa mort, les hommages affluent de toutes parts : musiciens, arrangeurs, producteurs, animateurs, mélomanes et membres de la diaspora. Tous évoquent un homme humble, généreux, rigoureux, un mentor qui a façonné des carrières et inspiré des vocations.
Haïti pleure aujourd’hui.
Mais Haïti se souvient.
L’homme s’en va, mais son œuvre demeure.
Et tant qu’« Oupila » continuera de vibrer, tant que les notes de sa guitare reconnaissable résonneront dans nos rues, nos maisons, nos fêtes et nos mémoires, il restera vivant au cœur de son peuple.
Dadou Pasquet n’était pas seulement un musicien.
Il était une lumière.
Et cette lumière, malgré l’ombre du deuil, continuera d’illuminer durablement notre culture.
Le Reflet








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