Insécurité à Carrefour : le président de la FENAMH, Jude Édouard Pierre, invite le CNDDR à faire une expérience pilote à carrefour

Jude Édouard Pierre, élu aux élections municipales de 2015 pour la commune de Carrefour et président de la Fédération nationale des maires haïtiens (FENAMH), a réagi ce mercredi aux déclarations de Claudy Alexis, membre du Comité national de désarmement, démantèlement et réinsertion (CNDDR), diffusées dans le journal Premye Okazyon sur Radio Caraïbes. Il a salué une prise de parole « claire, précise et maîtrisée », notamment sur les missions de l’institution dans un contexte d’insécurité généralisée.

Selon lui, la configuration actuelle du CNDDR intervient à un moment décisif. Il considère l’intervention de Claudy Alexis comme un exercice de communication réussi. Toutefois, il déplore que la réponse sécuritaire de l’État reste trop souvent limitée à des opérations policières violentes, menées sans véritable stratégie d’ensemble. Pendant ce temps, policiers et militaires continuent de tomber dans un pays dont la capitale est en grande partie sous le contrôle de groupes armés.

Le président de la FENAMH appelle à dépasser l’approche purement militaire en s’attaquant aux causes profondes de la violence : précarité, pauvreté, exclusion sociale, marginalisation, défaillance du système éducatif, absence de services publics et centralisation excessive du pouvoir. Il insiste sur le fait que l’insécurité est aujourd’hui territorialisée, enracinée dans les quartiers, les communes et les sections communales, où les autorités locales — magistrats, CASEC, délégués — devraient jouer un rôle clé.

Dans ce contexte, l’ancien maire estime que le CNDDR doit devenir un acteur central, non seulement dans l’accompagnement des opérations policières, mais aussi dans l’écoute des communautés et la proposition d’alternatives concrètes face aux causes structurelles de l’insécurité.

Il rappelle avoir soumis, il y a trois ans, une proposition visant à faire de Carrefour une zone pilote pour une approche expérimentale de reconquête territoriale. Il relance aujourd’hui cette idée, mettant en avant les spécificités de la commune : malgré la présence d’hommes armés, les services publics y fonctionnent encore, les hôpitaux restent ouverts, et la population tente de survivre. Les écoles publiques et privées fonctionnent tant bien que mal, mais en silence, la population souffre de l’absence d’autorités policières et judiciaires. Il y voit un levier stratégique pour amorcer une reprise progressive du territoire.

Le président de la FENAMH suggère, par exemple, que le CNDDR pourrait reprendre le contrôle de la mairie, afin d’empêcher toute tentative de récupération par des individus liés à des groupes armés. Il souligne avoir quitté ses fonctions depuis trois mois, une décision officiellement communiquée au ministère de l’Intérieur. Il affirme que Carrefour ne dispose d’aucun policier, et qu’en tant que dirigeant, il refuse de cohabiter avec les gangs armés, sa présence étant perçue comme une menace pour la sécurité des vies et des biens de ses concitoyens. Il estime que c’est désormais au CNDDR de prendre ses responsabilités.

Par ailleurs, il déplore l’inaction du Conseil présidentiel de transition (CPT), qu’il accuse d’avoir fermé les yeux sur la situation à Carrefour. Face à la crise humanitaire, à la vie chère, à l’insécurité, et à l’approche de la saison cyclonique, aucune réponse n’a été apportée par les autorités, malgré de nombreux appels. Il accuse le CPT d’avoir abandonné la commune dans son ensemble.

Jude Édouard Pierre conclut en réaffirmant son soutien à l’initiative du CNDDR. Il appelle à une intervention de l’État à la fois sécuritaire et sociale, plaidant pour des actions ciblées envers les jeunes enrôlés dans les gangs dès l’âge de 12 ou 13 ans. Selon lui, seule une démarche intégrée pourra restaurer la paix, la justice et la dignité dans les quartiers affectés, et ouvrir la voie à une véritable reconstruction nationale.

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