Haïti – Port-au-Prince en détresse : 70 % des hôpitaux à l’arrêt, le système de santé au bord de l’effondrement
- Joel Agoudou
- il y a 1 jour
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Selon les données publiées par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le jeudi 23 octobre 2025, près de 70 % des établissements de santé de la capitale haïtienne ont cessé de fonctionner. Les affrontements violents entre groupes armés et forces gouvernementales ont plongé le système hospitalier dans une crise sans précédent. Les rares structures encore actives peinent à faire face à un afflux massif de blessés et de déplacés internes.

Les hôpitaux encore opérationnels connaissent un niveau de saturation inédit. D’après les constats du CICR, le nombre d’admissions a doublé depuis la recrudescence des violences. Les services d’urgence, déjà fragilisés, doivent désormais prendre en charge un grand nombre de blessés par balles, de victimes de violences sexuelles et d’enfants souffrant de malnutrition sévère.
Amélie Chbat, cheffe des opérations du CICR en Haïti, affirme que « l’ensemble du système de santé est en train de se désintégrer sous la pression ».
L’Hôpital Universitaire La Paix (HUP), principal établissement public encore fonctionnel, illustre la gravité de la situation. Son directeur médical, le Dr Jean-Philippe Lerbourg, évoque une pénurie dramatique de médicaments, de lits et de personnel, qui contraint les équipes à faire des choix impossibles. Plus de 400 patients attendent une intervention chirurgicale, tandis que les médecins doivent hiérarchiser les urgences — souvent au détriment de vies humaines.
Les statistiques internes de l’HUP confirment cette dérive : de 1 200 patients par mois en 2024, on est passé à près de 2 000 en 2025. Les soignants, épuisés et sous pression, travaillent parfois sans électricité, utilisant des lampes frontales pour opérer ou des portes arrachées comme brancards de fortune.
Le CICR rapporte que les violences armées ciblent désormais les infrastructures médicales. Plusieurs hôpitaux ont été incendiés, pillés ou occupés par des groupes armés, privant des millions d’Haïtiens d’un accès vital aux soins. Depuis février 2024, l’Hôpital Universitaire d’État d’Haïti a subi deux attaques successives, entraînant sa fermeture partielle.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette désintégration du système sanitaire affecte plus de 4,4 millions de personnes dans la région métropolitaine. Les pénuries de carburant, de chlore et de médicaments paralysent la majorité des services. Les soignants, souvent sous-payés et menacés par les gangs, quittent massivement le pays pour des missions humanitaires à l’étranger.
Face à cette catastrophe, le CICR a déclenché une opération d’urgence. Cinq hôpitaux de Port-au-Prince reçoivent désormais médicaments, kits de premiers secours et appui financier. À l’HUP, 11 000 litres de carburant ont été livrés pour alimenter les générateurs, ainsi qu’une tonne de chlore pour désinfecter les installations et prévenir les épidémies. Trois structures sanitaires ont aussi été réhabilitées sur les plans électrique et hydraulique.
Des cliniques mobiles, mises en place avec l’ONG ALIMA, assurent des soins dans les camps de déplacés et viennent en aide à près de 50 000 personnes. Le CICR a également formé 300 premiers répondants, dont certains porteurs d’armes, à la gestion des urgences médicales — une stratégie de proximité qui permet de sauver des vies dans des zones inaccessibles aux ambulances.
Entre janvier et septembre 2025, plus de 20 000 patients ont bénéficié d’un soutien médical grâce au CICR, dont 6 077 blessés par armes à feu. Parallèlement, 2 500 appels d’aide psychosociale ont été enregistrés. Le programme « Aider les aidants », initié pour soutenir le personnel médical, vise à prévenir l’effondrement moral de ceux qui tiennent encore debout un système en ruine.
Alors que la violence des gangs continue de faire chaque jour de nouvelles victimes, la crise sanitaire s’aggrave inexorablement. Une question demeure :
Les autorités laisseront-elles le système de santé haïtien s’effondrer au cœur même de la capitale ?
Le Reflet




