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Haïti : 289 détenus oubliés dans les commissariats de l’Ouest, le RNDDH dénonce un cauchemar carcéral

Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) a publié un rapport accablant à la suite d’une inspection réalisée en avril et mai 2025 dans sept commissariats et trois sous-commissariats du département de l’Ouest. L’organisme y alerte sur la situation dramatique de 289 personnes privées de liberté, retenues dans des conditions prolongées, insalubres et en totale violation des droits humains les plus fondamentaux.


Depuis les assauts lancés en mars 2024 contre les prisons civiles de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets par la coalition armée Viv Ansanm, plusieurs commissariats ont été transformés en centres de détention à durée indéterminée. Les cellules, conçues à l’origine pour de courtes gardes à vue, sont devenues des lieux de rétention permanents, surpeuplés, mal ventilés, obscurs et dépourvus d’installations sanitaires de base.


Le RNDDH souligne que bon nombre de ces personnes sont incarcérées depuis plusieurs mois, voire plus d’un an, sans avoir été jugées ni même entendues par un magistrat. À Delmas 33, 68 détenus s’entassent dans quatre cellules : 48 hommes, 10 femmes et 10 policiers. Faute d’espace, les hommes dorment à tour de rôle ou suspendus à des hamacs de fortune. À Pétion-Ville, 48 personnes, dont 7 femmes, vivent à l’étroit dans deux cellules, dans des conditions similaires.


L’accès à la nourriture constitue un autre aspect dramatique. Privés de visite pour certains, les détenus survivent grâce aux repas apportés par leurs proches, à l’entraide entre co-détenus ou encore à la générosité de certains policiers qui puisent dans leur propre salaire pour les nourrir. À Tabarre, 41 personnes sont confinées dans deux minuscules cellules sans latrines, contraintes d’utiliser des gallons pour leurs besoins.


L’insalubrité ambiante favorise la propagation de maladies infectieuses : des cas de grattelle sont signalés à Delmas 33 et Pétion-Ville ; à Canapé-Vert, un détenu crache du sang sans jamais avoir consulté de médecin. À Port-au-Prince, plusieurs souffrent de furoncles, de démangeaisons, d’éruptions cutanées, tandis que des femmes déclarent souffrir d’infections vaginales. À Tabarre, un cas de tuberculose a été confirmé.


Certains cas individuels illustrent crûment cette situation. Jean Chrisilome Romain, accusé d’enlèvement, est détenu depuis janvier 2024. Jacky Abinet, arrêté pour vol de véhicule en mars 2024, n’a jamais été auditionné. Judeline Salien, interpellée en juillet 2024 en raison de son compagnon, croupit en détention sans aucune suite judiciaire. À Port-au-Prince, Kervens Saint Louis, arrêté pour viol en août 2023, n’a été entendu qu’une seule fois. Et la liste continue.


Tous les commissariats ne présentent toutefois pas la même gravité. À Petit-Goâve, cinq personnes étaient en garde à vue pour une durée maximale de huit jours. À Delmas 62, les cellules étaient vides en raison de travaux de réaménagement. À Borne-Soldat, aucun cas de détention de femme ou de fille n’a été constaté lors de l’inspection.


Le RNDDH dénonce un traitement cruel, inhumain et dégradant, en contradiction avec les droits humains les plus élémentaires. L’organisation attire également l’attention sur les conséquences psychologiques et sanitaires que ces conditions font peser sur les policiers eux-mêmes, contraints de travailler dans un environnement délabré, insalubre et surpeuplé.


Face à cette situation, le RNDDH appelle à l’audition immédiate des détenus, au transfert sans délai des condamnés vers des établissements pénitentiaires appropriés, à la réouverture de la prison civile de Pétion-Ville, à l’électrification des commissariats, ainsi qu’à la fourniture d’eau, de nourriture et de produits d’hygiène. L’organisation enjoint les autorités judiciaires et pénitentiaires à mettre fin à une situation qui bafoue la dignité humaine.


Le Reflet

 
 
 

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