Haïti : un pays fissuré par ses propres choix
- Joel Agoudou
- 25 avr.
- 3 min de lecture
Par ASHLEY LARAQUE
Dans un passé encore récent, les premiers rayons de soleil m’invitaient à sortir de mon lit, et ma journée commençait avec en tête les préoccupations d’un homme libre : l’écolage des enfants, les traites bancaires, le choix du meilleur cadeau à offrir à mon épouse...

Depuis quelque temps, le soleil m’ignore et me prive des caresses de ses rayons.
Mes soucis ne sont plus ceux d’un homme libre, mais de ceux d’un citoyen traqué, acculé, fatigué.
Je n’ai plus d’écolage à payer, mais des droits de passage aux chefs de gangs ; plus de traites bancaires, mais une participation pour le maintien des brigades de mon quartier.
Le meilleur cadeau à offrir à ma femme consiste désormais à renouveler le prétexte qui nous permettra de croire encore possible le bonheur en Haïti.
Je ne suis plus en mesure de savoir si j’ai vraiment dormi ou si mon réveil n’est qu’une courte pause dans une nuit d’insomnie.
Je ressens un besoin urgent de scruter mon passé, afin d’y découvrir ce que nous aurions mal fait ou omis de faire, et qui justifierait nos turpitudes.
L’ingénieur géologue F. Prépetit nous aura éclairés sur les causes du séisme de 2010.
Il a fait état de failles existantes et bien connues des spécialistes, mais aura oublié de nous dire que nous en créons beaucoup d’autres par notre comportement.
Le raisonnement le plus stupide qu’il m’ait été donné d’entendre consiste à définir la proximité entre des résidences de plusieurs millions de dollars et des bidonvilles de plusieurs milliers d’habitants comme un signe de fusion sociale productive et respectueuse...
Notre pays est fissuré, et les plaques qui en résultent se sont frottées durant des décennies, cumulant une énergie, alors qu’aucun exutoire n’aura été prévu.
L’explosion était donc inévitable… mais prévisible.
Malgré tout, nous persistons à vouloir protéger individuellement les plaques sur lesquelles nous sommes.
Nos murs de clôture et les innombrables barrières de quartier en sont la preuve, alors que nous aurions dû travailler à colmater les fissures et à créer des exutoires pour réduire la pression de la colère compressée sous nos plaques…
Mais comme l’ingénieur Prépetit l’a si bien dit :
"Se pare pou nou pare."
Les religions ont longtemps été utilisées comme exutoire à la colère des hommes.
Mais chez nous, on s’est accoutumé de leurs effets sédatifs, et le "Si Bondye vle" ne fonctionne plus.
Les disciplines sportives, les manifestations culturelles, le service civique militaire devraient faire l’objet de nos initiatives premières, d’autant plus qu’une formation académique minimale est requise dans chacun de ces domaines, qui promeuvent l’égalité des chances, la compétition saine, le respect de la réussite individuelle et collective.
À ce propos : le ministère des Sports ?
Nos athlètes qui ont percé à l’étranger ?
Le ministère de la Culture ?
Nos artistes à succès ?
Où sont-ils ? Que font-ils ?
J’ai compris le mépris du ministre de la Défense, qui a mal interprété le rôle qui lui a été assigné.
Ses pairs ont dû lui dire : "Nap baw yon djòb pou ka defann tèt ou."
D’où son acharnement à vouloir nommer des représentants partout où il n’y a rien à défendre, et à ignorer les besoins de nos troupes…
Je me dois de l’inviter à faire le bon choix : partir.
En conclusion
L’explosion, nous en subissons les conséquences maintenant.
Nous mesurons tout le mal qu’elle nous fait, et savons aujourd’hui que nous en sommes les premiers responsables.
Alors…
Ne nous contentons pas de réparer nos fissures avec de la colle à papier.
C’est à la colle forte que nous devons coller nos différences et travailler à l’élaboration du projet Haïti, avec et pour tous ses fils et toutes ses filles.
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