Haïti-Nécrologie : Frankétienne, un géant de la culture Haïtienne, s'est éteint à 88 ans
- Le Reflet
- 21 févr.
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Haïti a perdu l'un de ses plus grands génies littéraires et artistiques. Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d'Argent, plus connu sous le nom de Frankétienne, est décédé le jeudi 20 février 2025 à l'âge de 88 ans. Poète, dramaturge, peintre, musicien et enseignant, il a marqué la littérature haïtienne et la scène culturelle mondiale.
Né le 12 avril 1936 à Ravine Sèche, dans le département de l'Artibonite, il est devenu un pionnier du mouvement spiraliste et une figure emblématique de la culture haïtienne. Issu d’un milieu rural, Frankétienne a grandi en parlant principalement créole. C’est à Port-au-Prince qu’il découvre la langue française et poursuit sa scolarité. Après ses études à l’Institut des Hautes Études Internationales, il devient enseignant, puis directeur d'école. Mais c’est dans les arts qu’il trouve sa véritable vocation. Intellectuel engagé, il choisit de rester en Haïti pour continuer à écrire malgré les régimes politiques répressifs.
Frankétienne est reconnu pour avoir fondé le mouvement spiraliste, un genre littéraire inspiré du Nouveau Roman et de James Joyce. Avec René Philoctète et Jean-Claude Fignolé, il rompt avec les structures traditionnelles de l’écriture. Son livre Ultravocal (1972) incarne cette quête de nouveaux horizons littéraires. Ce roman explore les dérives sociales de l'époque et plonge dans la crise haïtienne.
Son œuvre la plus emblématique est le roman Dézafi (1975), le premier écrit en créole haïtien. Il raconte l’histoire de la résistance contre les injustices politiques et sociales. Traduit en anglais et en français, il a remporté plusieurs prix, dont le Best Translated Book Award en 2019. Dézafi est bien plus qu’un roman, c’est un cri de résistance qui résonne encore aujourd’hui.
Artiste polyvalent et engagé, Frankétienne a marqué la scène culturelle haïtienne à travers ses multiples talents. En plus de sa carrière littéraire, il a également excellé dans les arts visuels et la musique. Son engagement social et politique est resté au cœur de son œuvre. En 2014, une exposition lui a été dédiée à l'hôtel NH Haïti El Rancho, présentant ses œuvres picturales. Ancien ministre de la Culture sous le gouvernement de Leslie F. Manigat, il a défendu la culture haïtienne sur la scène internationale. En 2021, l'Académie française lui a décerné le Grand Prix de la Francophonie en reconnaissance de sa contribution à la langue et à la culture françaises.
À travers ses œuvres, Frankétienne a incarné une Haïti fière et résistante. Son héritage dépasse ses livres et ses peintures. Il a toujours utilisé son art pour dénoncer les injustices et interroger les valeurs sociales. Son décès laisse un vide profond, mais son œuvre continuera d’inspirer les générations futures. Frankétienne n’est plus, mais sa voix reste vivante à travers ses créations.
Et même si le silence est tombé sur sa plume, la spirale de son génie continue de tourner, inaltérable, dans l’imaginaire de ceux qui croient en la culture comme arme de résistance.
LE REFLET
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