Fritz Alphonse Jean : entre promesses d’expertise et faillite politique – le double visage d’un mandat inutile
- Joel Agoudou
- 7 août
- 3 min de lecture
Fritz Alphonse Jean a quitté la présidence tournante du Conseil présidentiel de transition (CPT) comme il l’a exercée : dans une discrétion quasi totale, sans impact notable, et au terme d’un mandat marqué par l’inaction. Ce mercredi 7 août 2025, il a remis le flambeau au conseiller président Laurent Saint-Cyr, refermant ainsi une parenthèse de gouvernance terne et sans relief. En cinq mois, il aura surtout illustré qu’il est possible d’occuper les plus hautes fonctions de l’État sans jamais réellement exercer le pouvoir.

Pourtant, son arrivée avait suscité un certain espoir. Beaucoup y voyaient le retour d’un homme d’État sérieux, d’un technocrate compétent, doté d’un sens aigu des responsabilités. Mais très vite, le vernis s’est craquelé. Le président du CPT s’est montré distant, peu réactif, englué dans une posture attentiste. Tandis que le pays sombrait dans le chaos, il peaufinait ses discours et apparaissait dans des mises en scène sans lendemain. Résultat : une transition sans direction, marquée par des paroles creuses et des gestes symboliques sans effet concret.
Sur le plan sécuritaire, le bilan est accablant. Plus de 90 % de la capitale serait sous le contrôle de groupes armés, selon l’ONU, et plus de 1,3 million de déplacés internes ont été recensés, d’après l’OIM. Son fameux « budget de guerre » ? Un slogan sans traduction sur le terrain. Les gangs imposent leur loi, les armes circulent librement, les écoles ferment et les structures hospitalières s’effondrent, notamment à Mirbalais et à Saut-d’Eau. Kenscoff a failli tomber totalement aux mains des groupes armés.
Au chapitre des réalisations : trois conseils des ministres, dont un expédié en 25 minutes ; une inauguration symbolique d’un centre d’appel douanier ; et une interview confidentielle sans résonance publique. Une gouvernance en pilotage automatique, qui donne l’impression d’avoir été pensée pour une salle de conférence, non pour un pays en crise.
Lorsqu’il brisait le silence, c’était souvent pour créer la polémique : une déclaration controversée sur les Capois, un déplacement discret en Jamaïque, ou encore des sermons distants, loin de la réalité des Haïtiens. Aucun geste fort, aucune proximité avec la douleur du peuple. Un président hors-sol, théorique, désincarné.
Fritz Alphonse Jean a manifestement refusé d’endosser les responsabilités de sa fonction. Se posant davantage en opposant moral qu’en leader de crise, il a préféré commenter la réalité plutôt que de la transformer. Comme si la transition politique se résumait à un colloque d’experts, et non à une urgence nationale.
Symbole ultime de cette vacuité : les 400 millions de gourdes engloutis dans les festivités du 18 mai. Une dépense dispendieuse, dans un pays ravagé, où les déplacés dorment sur le béton et les enfants fuient les balles. Aucune transparence, aucun audit, aucun bilan ,juste du bruit et des artifices.
Le plus cruel reste le contraste avec son discours d’investiture, prononcé le 7 mars dernier. Il y évoquait l’urgence, la sécurité, la mobilisation nationale, le redressement économique, le retour à l’ordre constitutionnel. Cinq mois plus tard, ces mots sonnent comme une parodie : un chef d’orchestre qui a levé la baguette… sans jamais faire jouer la moindre note.
Au moment du bilan, Fritz Alphonse Jean n’apparaît ni comme un dirigeant, ni comme un stratège, ni même comme un acteur politique. Il aura été un figurant élégant dans une tragédie nationale, un penseur paralysé par ses principes, incapable du moindre acte structurant. Même sa sortie s’est faite dans un silence pesant, presque gêné.
Fritz Alphonse Jean n’a pas seulement échoué : il s’est dérobé. Et dans ce moment charnière pour la nation, son nom ne sera pas associé à un effort de redressement, mais à une démission silencieuse. Une gouvernance par abstention, feutrée, élégante… et tragiquement inutile.
LE REFLET







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